Un film imprégné par la religion
« Notre Dame du Nil », est un collège chrétien situé au Rwanda, où des filles appartenant aux deux principaux groupes ethniques (les Hutus et les Tutsis), vivent leurs journées en participant aux activités religieuses et en établissant des relations intimes. Ce n'est pas une coïncidence si la religion chrétienne est l'un des éléments centraux de ce film : l'Église est maintenant considérée par de nombreux historiens et sociologues, en partie responsable des actions brutales qui ont eu lieu pendant le génocide du 1994, contre principalement des Rwandais de l'ethnie Tutsi. (Longman, 2001).
Le Rwanda était en effet le pays le plus christianisé de tout le continent africain, avec une forte présence de l'Église catholique. Un pays si influencé par une morale et une éthique chrétienne a été le théâtre de l'un des carnages les plus atroces de l'histoire humaine...
Aperçu du rôle historique de l’institution religieuse
Depuis la période coloniale, l'Église en tant qu’institution a joué un rôle central dans le maintien de l'idéologie ethnique en promouvant un système introduit par les colons européens. Depuis leur arrivée dans le pays au XXe siècle, les dirigeants missionnaires en Afrique ont essayé de se rapprocher des élites locales pour faciliter le processus de conversion de la population.
Selon l'écrivain-journaliste Hugh McCullum, les dirigeants de l'Église chrétienne ont joué un rôle central dans la création de l'idéologie raciste, qui attribuait une plus grande importance à un groupe ethnique qu'à un autre, selon les mythes camitiques et bantous (McCullum, 2001).
La société rwandaise a été "reconfigurée", en insistant sur les différenciations ethniques déjà existantes (Tutsi, Hutu et Twa). Les dirigeants ecclésiastiques ont reconnu les Tutsis comme membres de l'élite établie, justifiant et légitimant leur « supériorité génétique » et entretenant des relations extraordinaires, privilégiées avec les dirigeants tutsis.
Cependant, en 1959, les membres du groupe ethnique Hutu ont accédé au pouvoir. Face à ce changement politique, les membres de l'Église ont commencé à pratiquer ce que certains appellent « l'ethnogenèse » (McCullum, 2001). Les autorités ecclésiastiques ont exercé une discrimination à l'encontre de l'ethnie tutsie et ont continué à diffuser des théories racistes, notamment dans les écoles et les séminaires sur lesquels elles exerçaient un contrôle. Plusieurs chercheurs ont vu dans cette pratique un moyen d'entretenir des relations avec les dirigeants rwandais et de bénéficier d'avantages de la part de l'État (Longman, 2001).
En 1973, Juvénel Habyarimana, déposante le président Grégoire Kayibanda lors d'un coup d'État, et devient président ; par la suite, il a créé un parti politique unique appelé le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement, également connu sous le nom de MRND, dominé par les Hutu. Dans sa gestion des tensions ethniques, Habyarimana a mené une politique limitant l'inscription des Tutsis dans les écoles et les emplois publics.
Église et génocide
Ce lien entre la politique et l'église est manifeste dans l'une des scènes du film, où Gloriosa, la fille d'un ministre politique, utilise un espace central du pensionnat pour exprimer ses préoccupations concernant les Tutsis. Lors de ce véritable rassemblement politique, Gloriosa accuse et démonise des jeunes hommes du voisinage, appartenant à l'ethnie Tutsi, d’avoir maltraité l’une des pensionnaires influençant la perception des autres élèves et donnant ainsi le prétexte à appeler des renforts armés. Les dirigeant du pensionnat n’ont pas cherché à élucider l’affaire mais ont cru la fille du ministre.
Malgré les actions perpétrées par la milice Hutu, l'institution religieuse ne s'est jamais opposée à la progression de la violence, bien au contraire, comme le souligne Timothy Longman ( Longman, 2001). Les membres ecclésiastiques se sont concentrés sur l'envoi à leurs fidèles d'un message d'obéissance et de soutien envers l'autorité complice du génocide et ont continué à diffuser des théories racistes légitimant et rendant moralement acceptable aux yeux de la population le massacre en cours.
A l’exception de rares individus qui se sont courageusement opposés, la plupart des membres de l’Église sont restés passifs. Dans l'une des scènes finales du film, plusieurs filles Tutsi cherchent à se réfugier dans l’une des salles de classe alors que le massacre a lieu à l’extérieur du pensionnat. Les personnes enfermées à l’intérieur (religieuses, prêtres, etc...) continuent leurs activités, en restant silencieux et en ignorant les demandes d'aide.